Eglise Saint Loup
De l’église du XIIIe il ne reste que la partie basse du clocher, reconnaissable à ses baies en ogive, ses arcades et ses contreforts, et la sacristie voûtée sur ogives avec un pilier central. Cette partie constituait la chapelle Saint-Loup – ou Saint-Leu – évêque de Sens de 609 à 623 et patron de la paroisse et de l’église. Comme beaucoup d’églises du Sénonais, après la guerre de Cent Ans et encore après les guerres dites de Religion, il fallut relever celle de Courlon de ses ruines et la reconstruire dans les styles nouveaux. On y reconnaît en effet le style gothique flamboyant et celui de la fin de la Renaissance. On lisait sur une fenêtre du nord la date de 1551. Ce serait finalement en 1631 que sur l’ordre de Richelieu l’église fut mise en l’état où elle se présente aujourd’hui.
Le clocher qui, faute de « château », était jadis une tour fortifiée, fut converti en beffroi pour recevoir des cloches. Sur une terrasse où l’on accède par une quinzaine de marches, se dresse la masse large et trapue de l’église à laquelle les trois pignons de la façade et les deux autres de la face sud donnent, avec la tour du clocher, une silhouette caractéristique. La porte centrale, qui ouvre sur la nef, en décor flamboyant, porte au sommet de son accolade la statue très endommagée de Saint-Loup. Au trumeau et de part et d’autre, trois autres statues assez abîmées où l’on croit reconnaître la Foi, l’Espérance et la Charité. Les deux autres portes sont ornées d’un décor Renaissance, particulièrement soigné pour celle qui donne accès au bas-côté gauche.
Sur le côté sud, une porte, dite du Seigneur, a été bouchée. Il ne reste que d’infimes traces de son décor flamboyant. A l’intérieur, les voûtes à liernes du sanctuaire, du chœur et des chapelles, sont ornées de pendentifs. Sur les abaques de chapiteaux toscans, dans la nef et le sanctuaire sont placées des statues de saints et de saintes, en pierre polychrome, de l’art populaire du XVIe ou XVIIe. Au centre de la chapelle de Saint-Loup une très belle statue de Saint Pierre du XVIIIe. Voir aussi un lutrin en bois doré de la fin du XVIIIe, avec son aigle aux ailes éployées. Mais ce sont surtout les boiseries, d’une beauté quasi insolite, qui attirent l’attention. D’abord dans la nef, la chaire et le banc d’œuvre ; ce dernier marqué du chiffre de Saint-Loup. Puis la très élégante balustrade en chêne qui ferme le chœur et dont l’entablement, à la manière d’une poutre de gloire, reçoit un grand Christ en croix, encadré par la Vierge et Saint Jean, groupe en bois du XVIIe.
La merveille est dans le sanctuaire, dont les murs sont eux-mêmes revêtus de hautes boiseries. Huit hautes colonnes corinthiennes forment un hémicycle et supportent un entablement surmonté de deux anges adorateurs. Du dôme, que forment six poutres arrondies en demi-cercle, descendent gracieusement des draperies formant baldaquin au-dessus de l’autel. Ce dernier est aussi un chef-d’œuvre d’ébénisterie, avec sa partie basse sculptée de somptueux rinceaux, sa lanterne du Saint-Sacrement surmontant le tabernacle, et sur les côtés ses anges adorateurs et ses têtes d’angelots joufflus. Ce prestigieux ensemble, préservé de toute peinture, a été sculpté au XVIIIe, sans doute par les mêmes artisans du Faubourg Saint-Antoine et œuvré dans le même style italianisant que celui qui fut réalisé pour le château de Bercy et par la suite transféré à l’Elysée. Si ce chef-d’œuvre a été dès l’origine créé pour cette église, on aimerait savoir qui en fut le généreux donateur. Mais n’aurait-il pas été transféré ici de quelque grande abbaye sénonaise condamnée sous la Révolution à être détruite ?
Depuis 1935 surtout, des travaux de remise en état ont été réalisés grâce à la vigilance des services du Ministère des Affaires culturelles, de la municipalité et de la paroisse : en 1935 et 1945, les voûtes du chœur ; en 1961, le bas-côté sud, voûtes et vitraux ; en 1969, voûtes de la nef ; en 1970, la sacristie. Puis en 1969 et 1970, sur un appel de M. l’abbé Etienne Potier, curé desservant pour un nettoyage général de l’église après la réfection des voûtes, une véritable restauration du baldaquin a été entreprise par des paroissiens, surtout des jeunes, sous la conduite bénévole de Françoise et Jean-Pierre Hamard (anciens élèves de l’école Boulle). Aussi Courlon a bénéficié le 7 octobre 1971 du 11ème prix du Concours de chefs-d’œuvre en péril. En 1973, le nettoyage s’est poursuivi sur la balustrade, la chaire, les statues, le banc d’œuvre et l’aigle.